23 décembre 2008

Epuisement

Jillian continuait à avancer, de toutes ses forces. Il lui en restait cependant assez peu. Il avait perdu toute notion du temps. Le temps passé dans la forêt lui semblait lointain, invraisemblablement lointain, mais il n'avait pas le choix. Le passé était définitivement révolu. Il ne retrouverait plus l'époque naïve où il s'amusait dans la forêt, et y habitait en compagnie de Shaen, de Mars, de la reine dryade, et surtout de sa sœur. Ses jambes était faibles. Il passait tout son temps à marcher, vers le Sud, comme lui avait demandé la reine des esprits des bois.
Il avait tout d'abord couru sans s'arrêter deux journées de suite, par peur et obéissance, à la fois. Pour seul bagage, il n'avait que le bout de bois magique, unique vestige de sa vie passée. Il s'y tenait fermement, espérant que les elfes s'en étaient sortis sans blessure. Après cette première course éreintante, il avait marché, s'arrêtant de temps à autre pour manger quelques plantes, boire de l'eau s'il en trouvait, et pour se reposer. Combien de fois s'était-il arrêté ? Combien de temps avait-il marché ? Ces questions ne représentaient plus rien pour lui. Seules comptaient la fatigue, imprimée au plus profond de chaque fibre de son corps, et l'inquiétude, qui le tourmentait durant ses brèves périodes de repos.
La douleur grandissait au fur et à mesure qu'il avançait. Son corps lui réclamait un repos que son esprit lui refusait. Il se sentait défaillir de plus en plus souvent, et il parvenait à peine à se tenir debout, se cramponnant de toutes ses forces et de toute sa volonté au bâton. Il dut tout de même plusieurs fois se relever, sans savoir jamais le temps qu'il avait perdu, l'esprit trop embrumé pour faire attention à la position changeante du soleil.
Cette fois-ci, il réalisa qu'il avait perdu connaissance en entendant des voix autour de lui. Il y avait les bêlements de quelques chèvres, qui couvraient en partie une voix de petite fille. Il tenta de se relever, mais ses bras refusèrent de lui obéir. Il ne pouvait que rester au sol, immobile, exténué. Il utilisa ses dernières ressources pour comprendre les paroles de la jeune voix. Ce ne fut pas sans difficultés.
- ...Reste ici, et garde-le, dit-elle! Je vais chercher papa et maman!
Pour toute réponse, la voix ne reçut qu'un aboiement. ensuite, tout s'embrouilla dans sa tête. Il se souvenait vaguement d'une ombre imposante s'approchant de lui, de l'eau qui coulait entre ses lèvres, de discussions qu'il pouvait entendre, mais pas comprendre, et la sensation d'une petite main qui se glissait entre ses doigts. Tout cela flou, mélangé dans sa mémoire épuisée. Puis enfin, il se réveilla. Il se trouvait allongé sur un lit de paille, dans une petite pièce en bois. Il prit une position assise, et la tête commença à lui tourner. Il s'allongea à nouveau, et se reposa comme il le put.
Après quelques heures, il entendit le bruit d'un troupeau qui revenait. Puis, quelques instants après, une fillette de huit ans rentra dans la chambre et s'approcha de lui. Dès qu'elle remarqua qu'il était réveillé, elle rougit et partit en courant. Elle revint en quelques minutes avec un homme, probablement son père. Celui-ci était bien bâti, et aurait pu être effrayant avec sa barbe fournie, si son regard ne pétillaient de joie de vivre.
- Tu t'es enfin réveillé, mon garçon, remarqua-t-il!
- Merci de vous être occupé de moi, dit Jillian en tentant de se redresser.
- Reste allongé, lui conseilla l'homme. Tu as eu une forte fièvre ses deux derniers jours! Tu dois encore être affaibli.
- C'est vrai, mais je dois repartir!
- Non! Tu ne peux aller courir les routes dans ton état!
- Mais...
- Tu resteras ici un moment, avec nous.
Jillian voulut protester, mais son regard se posa sur l'enfant qui se tenait derrière son père. L'homme capta ce signe et demanda gentiment à la fillette d'aller s'occupper de la cuisine pour leur invité. Elle y partit rapidement, et avec bonheur.
- Qu'y a-t-il ?
- Je suis poursuivi, expliqua Jillian. L'endroit où je vivais a été attaqué, et je sais qu'ils en avaient après moi. Je ne peux pas rester ici, je mettrais votre famille en danger!
- Pourquoi t'en voulaient-ils ?
- Je ne sais pas! L'assassin de mon père disait que je gênais ses plans.
- Attaquer un enfant pour ça! Ne t'inquiète pas! S'il vient ici, je lui apprendrais comment se comporter!
Toute la gentillesse contenue dans cette affirmation secoua le cœur du garçon qui sourit. Il savait bien que l'homme ne pourrait rien faire, mais il n'avait pas aperçu de poursuivants de puis des jours. Et La reine des dryades lui avait certifié que Brunulf ne pourrait pas le poursuivre.
- Merci, dit-il simplement.
L'homme sourit de toutes ses dents, et se leva.
- J'espère que tu te rétabliras vite et que tu te plairas parmi nous.

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