5 janvier 2009

Crime et châtiment

Eliane pénétra dans la pièce vide et froide. Une imposante tapisserie servait d'unique décoration, avec les décorations trop riches d'un lit suffisant pour loger une demi-douzaine de personne. Sinon, seule régnait la pierre froide. Elle avait d'abord pensé avoir une meilleure chambre en suivant les soldats, mais cette chambre vide et froide s'avérait déjà beaucoup moins confortable que la petite pièce bien chauffée des deux fermiers. Mais elle savait qu'elle ne pouvait les laisser être mêlés à la suite.
La porte se ferma derrière elle, et elle se détendit. Elles avaient été obligées de laisser leur paquet à l'entrée du château, à l'immense déplaisir d'Ariane. Mais Eliane ne s'en souciait pas. Elle repensait au repas qu'elles avaient pris avec le maître des lieux. Il avait des manières, c'est sûr, mais il n'avait pas réussi à cacher son regard. Un regard qui visait son amie, une peu plus âgée et très jolie, et qui laissait présager à la jeune fille de l'action pour terminer la soirée.
Puis elle décida de se coucher rapidement. Car si ils mettaient moins de temps qu'elle ne pensait pour agir, elle voulait au moins avoir profiter du lit qui trônait, fier, au centre de la pièce. Puis elle s'endormit.
Elle fut réveillée au milieu de la nuit car des bruits de pas discrets. Mais, attentive et préparée, elle ne bougea pas. Pas le moindre mouvement, pas le moindre tremblement. Elle attendit, simplement. Rapidement, elle sentit que quelqu'un montait sur le lit. Puis celui-ci lui plaqua une main sur la bouche. Elle reconnut le soldat qui les avait escortés.
- Alors jeune fille, murmura-t-il, mon maître a préféré ton amie, et il m'a laissé libre de faire ce que je veux de toi! Alors reste calme et sois conciliante, si tu ne veux pas être blessée.
- Quelle manque de chance!
- Tu peux le dire! Vous auriez mieux fait de ne jamais mettre les pieds dans notre région.
- Non, je parlais de toi, de ton maître, et de vos soldats, dit-elle dans un murmure.
- Quoi ?
Elle sourit, et elle retourna puis plaqua l'homme sur le lit, avant de lui appliquer sa dague sur la gorge. Ils avaient commis une erreur. En effet, les Amazones sont un peuple de mercenaires, s'engageant pour des causes diverses pour de l'argent. Par conséquent, elles devaient rester le plus à l'écart de la politique. Tant que cela ne concernait pas une mission, elle ne devait pas toucher aux royaumes, petits ou grands, et à leurs souverains, car ils s'avèrent être le plus souvent de bon clients. Mais malgré tout ça, une loi, de leur peuple, de leur pays, les autorisait à agir en toute situation. 'Un homme ne doit jamais tenter de prendre de force un femme'. Et tout ceux qui violaient cette loi, surtout en présence d'Amazones, devaient s'attendre à une punition immédiate. Et toute personne ayant aidé à cette tentative pouvait être châtié.
- Moi et mon amie sommes des Amazones en mission, dit-elle à l'oreille de l'homme.
Celui-ci se mit instantanément à trembler. Malgré le peu de lumière qu'elle recevait dans cette chambre sombre, Eliane put voir son visage blanchir.
- Je ne sais pas pour mon amie, continua-t-elle, mais ce confortable lit m'a mise de bonne humeur. Je ne vous tuerais donc pas...
- Merci, merci, pria l'homme, les larmes aux yeux.
- ... et me contenterais de vous émasculer, finit-elle avec un sourire effrayant.
Le visage du guerrier se décomposa. Soudain, il se demanda laquelle des deux punitions, celle dont il avait réchappé ou celle dont il avait écopé, était véritablement la pire. Et avant qu'il ne trouve la réponse, ils entendirent un cri effrayant, suivi de pleurs, venant d'à côté.
- Mon amie a apparemment eu la même idée, continua-t-elle. Mais la connaissant, elle n'a pas du faire dans la finesse. Elle a sûrement juste tout arraché! Je n'ai pas envie de ma salir les mains, alors j'utiliserais ça, dit-elle en montrant son couteau.
Un autre cri retentit, et les soldats émergèrent dans la chambre. Ils s'arrêtèrent devant l'affreux spectacle qui s'imposa devant leurs yeux.
- Bon, nous allons en rester là pour le moment, mais si vous ne vous êtes pas calmés quand nous reviendrons de notre mission, dit Eliane, alors nous raserons le château, avec les soldats à l'intérieur. Et quand je dis calmés, ce n'est pas seulement pour votre appétit de jeune fille, dont je pense vous avoir définitivement guéris, mais également de la façon dont vous traitez le peuple.
Le chef des soldats, toujours blessé, courba la tête et murmura d'une voix piteuse son assentiment. Mais un soldat, qui n'avait pas reconnu la fille comme une des redoutables guerrières scythes, leva son épée, et tenta d'attaquer celle qui avait si douloureusement blessé son chef au plus profond de sa fierté. Sa lame fut arrêtée en l'air, Eliane l'ayant attrapée de sa main droite. puis elle frappa de la gauche. Au ventre. L'épée seule lui resta dans la main. L'homme fut propulsé en arrière, d'une violence inouïe, qui fissura même la dure roche des murs des châteaux à l'endroit où il s'incrusta.
- Bien! J'espère que vous avez compris, finit-elle. Et aussi, j'ai failli oublié. S'il est arrivé la moindre chose au vieux couple qui nous avait hébergé, vous regretterez sincèrement de ne pas pouvoir arriver plus vite en Enfer! Bonne chance!
Puis elle sauta de la fenêtre et atterrit au sol, une dizaine de mètres plus bas. Ariane était déjà là, ayant récupéré ses armes. Elle tendit à Eliane les armes de la jeune fille et une longe.
- J'ai pris des chevaux! Puisqu'ils sont criminels, on peut, non ?
- Bien sûr! Prenons en quatre pour éviter de les fatiguer, on arrivera plus vite ainsi.
- Bien allons-y!
Voyant qu'Eliane regardait vers le château en effervescence qu'elles quittaient, Ariane lui demanda à quoi elle pensait.
- Ils n'ont peut-être aucun sens de l'accueil, mais je trouve dommage de n'avoir pas pu profité plus longtemps de leurs lits! C'est la seule chose de bien qu'ils avaient.
Pour toute réponse, Ariane éclata de rire.

Aucun commentaire: