4 janvier 2009

Peur ?!?

Aussitôt, un poignard effilé apparut dans la main d'Ariane. Mais la main calme d'Eliane arrêta son geste. Ariane leva un regard plein d'interrogation, et avec le zeste de mépris habituel. Mais elle se retint d'agir et attendit une explication de sa camarade. Explication qui ne tarda pas à venir :
- Je comprends ton désir de protéger ses gens, expliqua Eliane, mais si tu interviens maintenant, tu ne fera que leur causer des soucis en plus.
- Quoi ?
- Admettons que tu tues ces soldats. Sur le moment, tu protèges ce vieux couple. Mais après, le courroux du seigneur les aura pour cible, et nous ne serons plus là pour les protéger. Nous avons une mission et ne pouvons rester.
Ariane remarqua immédiatement que sa compagne avait raison. Elle avait envie de trucider celui qui s'était adressé si durement au gentil couple, mais elle savait que ce n'était qu'un désir égoïste. Elle se contint.
Eliane, elle, se concentrait sur la discussion. L'homme avait apparemment repoussé le couple et était entré dans la maison, pour se servir parmi les maigres richesses du vieux couple. Elle aussi bouillonnait, mais, beaucoup plus calme et posée que son amie, elle réfléchissait au moyen de faire payer ce geste au brute, sans mettre en danger leurs hôtes.
-Ariane, demanda-t-elle inquiète, es-tu capable d'avoir un visage effrayé ?
Le regard, et la mimique qui accompagna celui-ci, donnèrent immédiatement la réponse à Eliane. Elle voulut presque rire de la mine outrée de son amie, mais elle se retint et poursuivit avec des instructions :
- Bon, puisque tu n'en es pas capable, il faudra que tu cache ton visage quand les hommes rentreront dans la chambre. Et si tu pouvais trembler...
- Trembler ?
- Ca leur fera croire que tu as peur.
- Et comment je fais pour trembler, demanda Ariane ingénument ?
- Imagine que tu vas bientôt pouvoir t'occuper d'eux à ta façon!
Le tremblement d'excitation qui secoua les épaules de la fille sembla parfait à Eliane. Seul l'immense sourire qui barrait son visage démentait ce qui pouvait passer pour de la peur.
- Parfait! Donc tu caches ton visage, et tu t'imagines en train de les découper. Évite seulement de pousser des cris de guerre intempestif.
A ce moment, la discussion fut interrompue par le cri du vieil homme.
- Non! N'allez pas là!
Et la porte s'ouvrit à la volée. Comme convenu, Ariane dissimula ses traits, alors qu'Eliane simulait parfaitement l'effroi.
- Que nous cachiez-vous là, sourit le soldat ? Deux aussi belles pucelles!
- Elles ne sont que de passage! Ne les mêlez pas à cela!
- Cela ne dépend que de mon envie, cria le soldat colérique. Et d'aussi beau minois feront plaisir à mon seigneur!
En entendant cette phrase, Eliane eut envie de sourire. La situation devenait intéressante. Elle se jeta au pied de l'homme, simulant la soumission, ne faisant aucunement attention au regard de dégoût que lui décocha sa camarade.
- Pitié, dit-elle! Emmenez-nous si vous le voulez, mais ne faites pas de mal à ce vieux couple qui n'a commis que le seul péché de nous héberger.
-Parfait, s'exclama le soldat. Nous avons donc un accord. Vous avez cinq minutes pour faire vos bagages, bien que je pense que vous n'ayez rien de précieux, puis nous partirons en laissant ces vieux tranquilles.
- Non, s'exclama la vieille femme. Ne vous en faites pas pour nous et enfuyez-vous!
- Ne t'inquiètes pas, lui dit Eliane en lui posant la main sur l'épaule. Tout se passera bien pour nous.
Et l'éclat de glace que la vieille fermière capta dans les yeux de la jeune fille la fit frissonner, jusqu'au plus profond de ses os. Soudainement, elle se demanda lequel des deux était en plus mauvaise position, du geôlier et sa prisonnière. Puis elle comprit. La jeune fille ne se sacrifiait pas pour les sauver, mais s'éloignait pour ne pas les mêler à la bataille qui se préparait. Ou au massacre. Malgré sa dangerosité, la jeune fille prenait soin du couple. La vieille femme prit entre ses doigts la main de la jeune fille, elle lui dit avec toute sa reconnaissance :
- Merci!
Souriante, Eliane demanda à Ariane de se relever. Puis elle ramassa en un instant ses quelques affaires, alors qu'Ariane prenait le fagot de bois. Et quand elle sortirent de la petite pièce, le reflet du feu qui se consumait dans la cheminée eut sur ce chargement un éclat beaucoup trop métallique. Le groupe composé des soldats et des jeunes femmes sortit, et avant de disparaître dans la nuit, Eliane se retourna et cria :
- Merci de votre hospitalité.
Le vieux couple put même voir l'autre fille s'incliner légèrement, et l'entendre leur dire merci. Ce dont visiblement, elle n'avait pas l'habitude. Eliane reprit ensuite son rôle de jeune fille effrayée, sans pouvoir s'empêcher de lancer une boutade au passage. Contrairement à son habitude, Ariane rougit à celle-ci.
- Drôle de filles, murmura l'homme, qui semblait avoir remarqué des choses étranges.
- Oui, je ne les aurais jamais imaginé ainsi. Beaucoup plus effrayantes!
- Quoi ? Les imaginer, s'interrogea son mari ?
- Elles ont un peu menti! Elles viennent du Sud. Des montagnes, loin au sud!
- Quoi ?
- Pauvres soldats, et pauvre seigneur! Se mettre à dos deux Amazones n'est pas la meilleure manière de se garantir une longue vie, répondit La vieille dame.

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