16 janvier 2009

Passé

- Père, je vais partir.
- Pour aller où, demanda le roi ?
- Dans notre royaume, parmi nos sujets. Je dois connaître le peuple!
Ainsi son voyage avait commencé. Il avait réussi a justifié l'utilité de cette recherche auprès de son père, et était donc libre de faire ce voyage. Puisqu'il partait seul, il pourrait en profiter pour enquêter sur le passé de Brunulf. Il était sûr de pouvoir entendre certaines histoires qui lui seraient utiles parmi les seigneurs et barons. Car tous ne lui étaient pas acquis, et certains avaient comme lui-même des doutes sur la loyauté du conseiller.
Cependant, ces premières rencontres furent toutes infructueuses, car les ducs et barons qu'il questionna étaient tous persuadés de sa bonne foi, et étaient même pour certains plus fidèles à Brunulf qu'au roi. Mais après un long moment, un duc, de bonne renommée, et reconnu comme sage, le duc Ega, l'accueillit et comprit ses craintes. Et il lui raconta une histoire des plus intéressantes.
- Sir Brunulf, avait-il dit, est comme entouré d'une chape de brume, et je juge qu'on ne peut faire confiance à quelqu'un dont on ne connaît rien, et qui cultive son secret. Mais je peux te raconter les faits qui entourèrent l'arrivée de son grand-père. A cette époque, le roi était atteint d'un mal étrange, dont aucun guérisseur ne put le guérir. Il souffrait terriblement, et toutes les nuits, on attendait ses cris d'agonie envahir le palais. Le pays était presque déjà en deuil, car rien ne semblait pouvoir être fait. Mais un étranger se présenta au château. Il disait venir de terres lointaines au nord, des terres appartenant aux guerriers qui portaient le nom de Tuatha Dé Danann. Et il proposa de guérir le souverain. Beaucoup s'y opposèrent, prétextant que l'inconnu pourrait en profiter pour assassiner le souverain. Mais étant donné que notre roi devrait mourir quoi qu'il arrive, on décida de laisser l'homme essayer. Et il réussit. Là où les guérisseurs s'étaient échinés des heures durant, il ne lui avait fallu qu'une nuit, et le roi devint même plus vif qu'il ne l'était avant la maladie.
- C'était son grand-père ?
- Oui. Il fut adoubé sans attendre, et devint rapidement un des plus grands chevaliers. Il eut une épouse, puis un fils. Mais certains doutaient de lui, et de son influence grandissante au palais. Petit à petit, le roi lui laissa la régence complète du royaume, se contentant de valider les paroles et les actes de celui-ci. C'est à cette époque qu'un homme vint défier le grand-père de Brunulf. Celui-ci était différent. Il était un homme lettré, venant avec sa femme et son fils de la grande Byzance. Et il accusa le conseiller du roi d'ingérence des affaires d'un royaume. Il menaça notre homme de destruction totale si ce dernier ne s'éloignait pas du trône des francs. Le conseiller refusa, et il y eut une bataille. Avant d'y partir, l'érudit de Byzance confia un imposant manuscrit rouge à son fils, avec quelques paroles. On ne sait pas ce qui fut dit. Seul le fils doit le savoir.
- Et que se passa-t-il ensuite, s'intéressa Dagobert ? La bataille eut-elle lieu ?
- Oui. Et seule deux certitudes nous restent. La première est que le combat ne fut pas humain, car tout fut détruit sur un kilomètre à la ronde, et la seconde est la mort des deux opposants, dont on trouva des restes. Ne sachant qui était dans son droit, tous deux furent inhumés. Le fils du conseiller récupéra l'épée de son père, et sa position, mais fut nettement moins remarquable. Et enfin naquirent deux filles, et un fils, Brunulf, qui lui semble avoir hérité du charisme de son grand-père.
- Et de l'autre côté ?
- On a perdu la trace de l'enfant et de sa mère. Selon certaines sources, il se serait réfugié en Neustrie, près de Brocéliande, et aurait eu un fils, qui a son tour aurait eu deux enfants, un fils et une fille. Mais leur village a brûlé il y a bien longtemps.
- Et ?
- Brunulf est devenu à son tour conseiller, et prend peu à peu le pouvoir. Sa sœur aîné est maintenant reine, et je ne sais ce qu'il réserve à la cadette.
Mais ces informations furent les seules véritables qu'il put récupérer, car comme l'avait dit le duc Ega, personne ne savait ce qui se trouvait derrière le voile de brume qui enrobait Brunulf. Dagobert se résigna, mais n'abandonna pas son voyage, se déplaçant dorénavant de village en village, écoutant les ragots et potins, qui souvent contenaient un soupçon de vérité.
C'est ainsi qu'il prit connaissance de l'existence du homme, un prêtre, qui jouissait d'une grande renommée. On le disait capable de repousser tous les démons d'un regard, et qu'à ses côtés, la lumière de Dieu s'épanouissait dans le cœur des hommes. Il se dirigea dans la direction des rumeurs, et trouva le saint homme. Quand il l'aborda, celui-ci lui répondit simplement :
- Je sens une obscurité en vous, mon prince. Accompagnez-moi dans le royaume. Vous me protégerez des fléaux humains, tandis que je m'occuperais de ceux du ciel. Je ne puis rien face aux bandits, mais les démons sont de mon ressort. Et vous, vous grandirez d'avoir vu la véritable obscurité.
Dagobert avait été soufflé, et avait accepté la proposition. En effet, le voyage serait plus agréable à deux, et si les ténèbres protégeaient son ennemi, il devait à tout prix les connaître.

Aucun commentaire: