21 janvier 2009

Loups

- Son champ était vraiment malade, lui demanda le solide fermier ?
- Oui, répondit Jillian. Sacrément empoisonné. Je ne sais pas ce que c'est, mais rien n'y aurait poussé. La rivière a amené le poison qui s'est répandu.
- Qu'est-ce qui aurait pu causer cela ?
- Des monstres, qui seraient venu boire à la source. Leur poison se serait répandu.
- Quelle sorte de monstres ?
- Différentes sortes, expliqua l'enfant. Des dragons venimeux, des hydres, peut-être un kelpi, ou alors...
Alors qu'il allait parler, il entendit un hurlement déchirer la nuit. Il regarda droit devant lui. Le bruit venait de la maison. Dans le ciel éclatait la lune argentée, pleine.
- Ou alors des loups-garous, finit-il avec effroi!
Les deux se mirent à courir à toute vitesse, affolés. Jillian porta par réflexe la main à son dos, mais le bâton n'y était pas. Il se rappela alors, avec un soupir de soulagement, l'avoir confié à Lucie. Il pensa un instant à s'envoler en utilisant ses pouvoirs, pour aller plus vite, mais il écarta l'idée. Si Lucie avait le bâton, elle pouvait tenir plus d'une demi-heure, et il avait besoin de conserver ses forces, car il devrait probablement lutter contre les lycanthropes toute la nuit, jusqu'à l'aube.
- Allez chercher un prêtre!
- Quoi, s'exclama l'homme ?
- Les mages et les prêtres sont souvent en désaccord, mais ils connaissent un moyen de se protéger, et de vaincre ces monstres. Je pourrais seulement les bloquer. Peut-être assez longtemps, mais un prêtre pourra nous aider! Vite!
Le fermier l'écouta et bifurqua instantanément.
L'enfant continua sa course. Il ne faisait plus attention au paysage autour de lui, focalisé complètement sur son objectif. Et il arriva à la grange. Un corps démembré d'une chèvre gisait au sol. L'odeur repoussante ne put le faire chavirer, car la peur de voir le même spectacle plus loin, avec des corps humains pour acteurs, l'empêchait d'y prêter trop d'attention.
Il sentit un souffle dans son dos et se retourna. Trop lentement. Il tenta de concentrer son énergie, mais la bête était déjà sur lui. Mais elle fut repoussée sur le côté. Il ne comprit pas ce qu'il s'était passé, mais il ne prit pas le temps d'y penser. Ses pouvoirs accrochèrent un imposant pieu de bois qui aurait du servir pour fabriquer un enclos. Le pieu s'envola vers le ventre du monstre qui ne put y échapper. Le bruit fut sordide, et le cadavre sans vie reprit petit à petit la forme humaine, qui avait été la sienne.
Enfin, Jillian put regarder ce qui l'avait sauvé. Il fut surpris de voir qu'une des chèvres survivantes, qui s'étaient regroupées dans un coin de la grange, effrayées, avaient quitté son abri pour attaquer le monstre d'un coup de sabot. Il la regarda un moment, puis reconnut enfin celle qu'il avait soigné, au début de son séjour. Il prit juste le temps de s'agenouiller, et posa la main sur sa tête.
- Merci, murmura-t-il.
Puis il se releva lestement et se dirigea vers le logis. Il entra dans la pièce, et quatre paires d'yeux écarlates se tournèrent vers lui. Tout était chamboulé. Les quelques meubles étaient renversés, et des marques de griffes recouvraient tout le décor. Et au fond, Lucie s'accrochait désespérément au bâton qui dressait un dôme luminescent autour d'elle et sa mère, évanouie. Heureusement, aucune d'elle ne semblait avoir été blessée.
- Jillian, cria la petite fille!
Mais entre le garçon et la fillette se tenaient quatre immenses bêtes. Un corps musclé et poilu soutenait une imposante tête de loup, aux crocs acérés. Les babines retroussées, ils regardaient avec un soupçon de gourmandise l'enfant qui s'approchait d'eux. Ils avaient faim. Lorsque la lune s'était levé, ils avaient tout oublié de leur vie pour devenir des bêtes sauvages, des tueurs assoiffés de sang. Seul maintenant comptait cette faim, déchirante. Leur première proie avait offert une résistance inattendu, et leur rage n'avait fait qu'augmenter. Sans hésiter, ils se jetèrent sur le nouveau venu.
Mais Jillian, bien que jeune, était un mage doué. Ils étaient dangereux pour lui, surtout s'il n'était pas seul, mais il avait les moyens de se défendre, contrairement aux proies habituelles. Il s'était fait prendre par surprise une fois, et il ne comptait aucunement renouveler l'expérience. Dans son corps, des flots d'énergies bouillonnaient, ne demandant qu'à s'échapper. Et au moment au le premier loup-garou se jeta sur lui, l'éruption eut lieu. Il relâcha son contrôle.
La déferlante explosa. Seule la bulle dans laquelle se trouvait Lucie et sa mère, protégée par le bâton, fut épargnée. Chaque monstre fut projeté en arrière avec force, et aucun ne sortit indemne. Seul un d'entre eux put se relever, et deux succombèrent, les organes mortellement atteints par des débris de bois. L'autre était dans un tel état que Jillian compris que seul le poison qui circulait dans son corps lui permettait de survivre. Dès le petit matin, si les blessures n'étaient pas traitées, il mourrait.
Celui qui pouvait encore se déplacer se releva. Et, animal dans son être, la faim fut remplacé par la peur : devant lui se tenait un chasseur, capable de le détruire, pas une proie. Il jappât faiblement, piteusement, et tenta de s'enfuir. Mais il s'arrêta, de lui-même, tremblant, comme si une chose encore plus effrayante s'était montrée à lui. Il revint se placer, montrant les crocs, devant Jillian qui avait rejoint les deux femmes. Et derrière lui apparurent près d'une douzaine des siens. Et les ténèbres nocturnes recouvraient d'un voile ce qui se trouvait derrière. Mais Jillian, donnant sa confiance aux énergies, comprit que la véritable de terreur se trouvait là-bas, derrière les troupes.

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