25 décembre 2008

Sourcier

- Pourquoi tu ne viens pas aujourd'hui ?
- Désolé Lucie, répondit Jillian. Mais il faut que je me repose encore un peu. Je ne peux pas courir partout dans les landes avec toi pour le moment. Mais je vais aider un peu ton père à la ferme.
- Mais tu m'avais dit...
- Je t'apprendrais à guérir, mais tu dois d'abord me promettre une chose.
- Quoi, demanda ingénument la jeune fille ?
- De ne jamais utiliser mon enseignement que pour soigner les gens et les bêtes.
- Que... Pourquoi ? On ne peut faire que ça non?
- Savoir manipuler les énergies pour reconstruire implique également de savoir le faire pour détruire. Il existe des sorciers sombres, qu'on appelle nécromanciens, qui volent leurs énergies aux autres. Il n'y a pas pire engeance sur terre.
- Ce sont eux les méchants qui te poursuivent ?
- Non. L'homme qui veut me voir mort est mauvais, c'est sûr, mais pas à ce point. Je ne sais pas pourquoi, mais il donne plutôt l'impression de s'être égaré, d'avoir perdu une partie de son âme et de son cœur. Mais être prêt à vivre en volant l'énergie des autres, il faut être imprégné du mal même.
- Quelle est la différence ?
- Mon ennemi est plus redoutable car il ne réalise pas le mal qu'il fait. Il ne pense qu'à ses intérêts. Les autres sont vils car ils connaissent le mal qu'ils font, et y puisent leurs forces.
- Comment le sais-tu ?
- L'endroit où je vivais n'a pas été détruit. Je suis une menace pour mon ennemi, et il n'hésitera jamais à me tuer. Mais une fois que je me suis échappé de la chez moi, que je ne m'y cachais plus, il n'a plus vu le moindre intérêt à attaquer et détruire. Un nécromencien détruit pour le plaisir de détruire. C'est-à-dire qu'il tuera sans hésiter n'importe quelle personne, même si elle n'a aucun lien avec elle.
- C'est horrible!
- Je sais que tu ne fera pas cela, mais tu dois comprendre que prendre l'énergie d'un autre être vivant et la mélanger à la sienne propre conduit à la folie, et au malin. C'est pour cela que tu ne dois jamais le faire, même si cela peut sembler nécessaire au premier abord. Le mal qui en découlera sera trop important, quelque soit le bien que tu aies fait.
- Je le jure, s'exclama la fillette, un rien effrayé.
- Ne le dis pas comme cela, la coupa Jillian. Réfléchis aujourd'hui, et si tu es sûre que cette contrainte ne te gênera pas, ne te gênera jamais, alors je commencerais à t'enseigner.
- D'accord, dit-elle en hochant vivement la tête.
- Maintenant vas-y! Les chèvres t'attendent.
La petite fille acquiesça puis partit en courant, vers sa journée bien remplie.
- Alors garçon, tu viens apprendre à faire pousser des plantes, rugit une voix grave.
- Je viens tout de suite.
- Dépêches-toi, nous avons de la route à faire.
- Où allons-nous ?
- Chercher l'eau. La rivière n'est pas assez proche pour que nous puissions irriguer nos champs. Nous devons aller la chercher et la transporter en chariot, dans de grandes jarres.
- C'est encombrant, remarqua le garçon. Pourquoi n'utilisez-vous pas la source ?
- La source ? Quelle source ?
Jillian réalisa soudainement qu'il n'avait jamais véritablement vu cette source dont il parlait. Il l'avait senti, la nuit, pendant son repos, coulant sous terre, et transportant les énergies.
- Bon, tant pis, dit-il.
Il renonçait finalement à cacher son don. Ou plutôt à le cacher entièrement.
- Depuis ma naissance, je sens des choses, autour de moi. Et une source coule, sous vos terres. On doit pouvoir la rattraper avec un bon puits. Une dizaine de mètre, puis vous aurez toute l'eau nécessaire chez vous.
- Oh, s'exclama l'homme. Tu serais donc un sourcier!
- Quoi ?
- Oui, nos prêtres nient les anciennes croyances, mais mon grand-père m'a souvent parlé du temps où les sourciers étaient respectés et aidaient les gens avec leurs pouvoirs! Bien! Pendant que je creuserais le puits, j'aimerais que tu me parles de ce que tu sais faire! Ce serait formidable de garder quelqu'un comme toi à la ferme.
- Je ne peux pas rester trop longtemps, mais...
- Qu'y a-t-il ?
- Votre fille peut apprendre. Elle ne sera pas exceptionnelle, mais au moins douée, et capable d'aider tout le monde autour.
- Quoi ?
- Je peux lui apprendre à soigner les gens et à comprendre la terre. Elle me l'a demandé, et elle en est capable. Mais puisque vous êtes au courant, je préfère vous demander votre avis. Cela ne lui fera-t-il courir aucun danger ?
L'homme eut l'air inquiet, un instant seulement, puis son sourire refit surface, éclatant comme toujours.
- Ne t'inquiète pas! C'est notre partie du problème. Tu es un mage, alors assure toi qu'elle est capable au niveau magie. Nous nous assurerons, sa mère et moi, de sa sécurité auprès de la population. Mais tous ont besoin de soin, et je ne pense pas la voir un jour mal accueilli. Même les prêtres reconnaitront qu'elle ne peut être mauvaise si elle soigne les gens autour d'elle.
Soudainement, une partie du poids de la lourde responsabilité qu'avait contracté Jillian en faisant cette promesse s'envola. Il était prêt à enseigner. Car il le savait, la réponse de Lucie serait positive. Courbant la tête devant son hôte, Jillian murmura :
- Merci.

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